Pom po-pom pom pom…

En manque crucial de gars, la patrouille recrute.

dimanche 20 juin 2010

Plaque Vautour (1)



J'aime plutôt bien les séries policières.

Je rêverais de défoncer une porte en hurlant "FBI ! Personne ne bouge !". Alors que les copeaux de bois voltigeraient encore dans l'air ambiant, formant de splendides tourbillons, je planterais sous le nez ébahi du propriétaire de la maison une plaque rutilante, marque de mon autorité.

Au-delà de mes fantasmes de violence policière, je trouve injuste que ces glandus du FBI aient le privilège de l'insigne et pas nous, patrouille Vautour. Imaginez l'officialisation des vols de nourritures auxquels nous nous livrons : on montre la plaque, les autres patrouilles, vaincues par la splendeur brillante de nos badges, se laissent déposséder de leurs biens. Plus de problèmes.

Donc, il nous faut une plaque. Le flingue, on l'a déjà, c'est très surfait. Et pas assez bling-bling. Par contre côté brillance gratuite et moche, on est servis avec leur badge :



Ce truc laid me donne le droit d'exploser des portes. C'est génial.

Franchement, cette plaque, elle pue. Elle veut rien dire. Elle est laide. Les pattes de l'aigle ne ressemblent à rien. Et puis ce choix d'animal, franchement. A croire que les empires souffrent d'un tel manque d'imagination qu'ils se reportent sans cesse sur l'aigle. Empire Romain, Byzantin, Russe et même le Saint Empire Romain Chrétien, tous flamboyaient d'aigles.

Alors que l'aigle, c'est une quiche. Il bouffe des lièvres et des musaraignes, des blaireaux et des serpents. Sans déconner, c'est quoi cette alimentation ?

Alors que les vautours se nourrissent de vaches et de moutons (étant donné la déliquescence des aurochs et des chamois). Tu te rend compte ? Ils mangent comme nous.

Quoi, charognards ? Tu veux dire qu'ils mangent des cadavres ? Mais j'espère bien, dis donc. Personnellement, je ne mange que des viandes mortes. J'ai toujours trouvé infâme de dévorer un animal encore vivant. Et puis, des études récentes montrent que les Tyrannosaures auraient été charognards, donc chut.

Après cette preuve sans pareille de la prédominance du vautour sur le reste du règne animal, annonçons le propos : il était question d'ajouter au patrimoine de la patrouille des plaquettes justement à l'effigie de notre animal de prédilection (non, ce n'est pas le bigorneau, essayez encore) et de notre emblème iconique : le V vautour. Son histoire est loin d'être palpitante, aussi vous m'excuserez de ne pas la mentionner. Bref, l'idée c'était d'y reproduire le motif qui orne déjà nos T-shirt : le blason Vautour.

Il fut décidé, pour des raisons pratiques, de les fondre en étain parce que ce métal minable fond à 230°C seulement. Vous pourriez le rendre liquide sur votre cuisinière, ce que certains firent.

Première étape : graver le motif choisi dans une plaque de linogravure, à l'aide d'un tas de petits cutter et de beaucoup de patience.

résultat :

Bon, pour l'heure, c'est facile, ça. C'est vite fait, peinard. Un peu brouillon pour un premier essai mais ça ira.

Ensuite, il faut en faire un moule. Dans l'inconscience de ma jeunesse, j'ai utilisé un produit cher, peu fiable, salissant et qui tenait mal la chaleur parce que je l'avais mal mélangé : le caoutchouc silicone. Le pire, c'est le prix, mais c'est pas grave. C'est les tunes de mes gars, après tout.


Le caoutchouc silicone, en pot et une fois coulé et séché.

En gros, il fallait adjoindre à la mixture un durcisseur, sinon ça reste une pâte molle qui tient pas la chaleur. Donc bon. Mal mélangé, j'imagine.


Bon, ça aurait pu être pire.

Ensuite, il faut chauffer l'étain, qui se présentait en l'occurrence sous forme de verres à vin. Je pourrais vous raconter qu'il nous a fallu plonger au coeur des coulées hurlantes d'un volcan, ou brûler une forêt entière de conifères, mais il nous suffit en fait d'un petit récipient en inox et d'un réchaud à gaz.


"Bon, les gars, je sais que c'est joli, c'est brillant, mais écartez vous un peu, ça fait quand même 230°C"
"Rooooh, l'autre."

Après quelques écueils ("Putain, ça déborde, arghh, ça coule sur le goudron, arggh, goudron il fond et reste accroché, aaaah !") nous réussîmes à couler entièrement dans le moule le précieux liquide argenté et fluide comme du mercure. Sept paires d'épaules se courbaient autour d'un moule fumant et refroidissant – ce qui devait fournir une vision rigolote pour un observateur externe – attendant le démoulage final.

Quand enfin, il fut décidé de démouler on vit que le moule avait fondu par endroits et accroché à la plaque. Une fois le caoutchouc enlevé, nous pûmes voir l'étendue du désastre :


Putréfaction et funérailles, c'est quoi cette horreur ?!

Bon. On va retenter. Mais avec un bon vieux moule en plâtre, cette fois.
Nous ne nous avouerons pas vaincus. L'étain, ça se refond.

mercredi 16 juin 2010

Scoutisme, mon amour.



Oui, lecteurs, je vous le dis, je suis un héros. Hé ouais.
Cerné de près par des examens qui décident d'une part importante de ma vie future, du moins pour l'année prochaine, j'excelle encore à trouver des séances originales qui amuseront toujours mes ouailles, loin de les lasser.

Non, je déconne.

Mon supérieur direct (Mon CP, en effet, je ne suis que le second personnage du royaume, euh, de la patrouille, le sous-CP) travaille. Ce qui, convenons-en, surpasse de très loin mes facétieuses études en matière de temps et d'énergie à investir. Il est normal que je lui porte assistance avec une régularité croissante. Après tout, c'est lui le chef.

Toujours est-il que, parfois, alors que septante pages dissertant des Cultes du Cargo attendent encore que je les lise, un coup informatique dans les côtes me rappelle à l'ordre :




Ce n'est qu'une affectueuse missive de mon adoré chef de Troupe. Où est le problème ? Il me reste vingt-quatre heures pour composer la séance.

Soudain mon cerveau de primate, dans sa capacité aiguisée par des millénaire d'évolution, établi un lien entre deux données :



Ah ouais, punaise, ça urge.
Sur ce, je vous laisse.

Les Cultes du Cargo attendront un peu. Après tout, les morts ne s'impatientent pas.

vendredi 4 juin 2010

CENT KILS

À Loup-Garou (Aurélien), Corneille(Stucki) et Anthony




C'est parti. Nous partons. Nous partions.
Nous partions pour vaincre, et vaincre encore.
Nos pieds sont en acier
Nos mollets en béton

Des cents kils, qu'en sait-on ?
Cent kilomètres c'est facile
en voiture, c'est fait en deux heures
fatal easy
Comment penser que ça peut nous faire peur ?
facile...

1km
On se trompe quatre fois de chemin, départ chaotique
Et on se demande pourquoi crucifier les sommets
de symboles morbides de la passion christique
l'ère laïque venue, mettons entre gros guillemets
le monopole du vieux christianisme siégeant en hauteur
et remplaçons les croix par de gras et gai bouddhas
ou même un minaret, et pour calmer les râleurs
il suffirait d'en mettre un de 332 mètres sur le Cervin
pour faire la nique au Mont Blanc au concours d'altitude.

10km
Je sens mes pieds. Et mes pieds sentent, j'te jure.
le soleil tape déjà trop fort.
Et la route
La route ne tourne pas assez
coincée entre une rivière sans méandres
et une cantonale qui réduit en cendres
nos poumons
de par la pollution des bolides qui nous frôlent
comme autant d'insectes au carapaces de tôle


20km
Il n'y a vraiment plus de sentiers pour piétons
Tout au plus des bandes d'herbe piétinées par les siècles
Où la plante laminée se change sous nos pas en poussière
Et la poudre balayée par la marche laisse reparaître la terre
Mais c'est pour les autos qu'on bitume depuis des siècles
pour faire coulisser leurs roues à travers les cantons

C'est injuste, putain.

30km
La ligne droite nous endort
la carte nous ment encore
En dilatant les montées et compressant les descentes.
Mais moi je m'en fiche.
J'ai mon SATELLITE
qui turbine tout autour de l'équateur
à contre-courant par vingt-quatre heures
Il gravite.

Bien qu'on ait mangé et bu
Nos muscles
commencent à protester

"Dis celui-qui-tient-la-carte, on est bientôt au prochain ravitaillement ?"

Bientôt.
Tu vois cette croix rouge sur la carte ? C'est là.
On croirait qu'elle indique la cachette d'un trésor mille fois convoité.
Quelque butin de pirates ivres
ou l'or des templiers
Mais l'or ça pèse lourd
plus lourd que les vivres
Et nous voulons garder les dos légers.
Et nous contenter du plus mince butin
que sont les puissants sucres de raisin
les farmer, les biscuits, les pommes
tout ce qui sucre le sang
et par-dessus tout
les étouffe-louveteaux.

"Dis, porteur-de-carte, on est bientôt arrivé ?"

Non, tu vois bien, on est devant une église anglicane de merde.
Ce plan est vraiment mal foutu
et ment comme un serpent tortu
Chateau-d'Oex
On a mal aux jambes, avouons-le.
Mais marche arrière, et haut les coeurs.
On a sûrement raté le ravitos.

"T'as dit qu'on y serait dans dix minutes."

Ouais. Mais c'est des minutes-effort.

"Connard. Et là on est arrivés ?"

Oh non, non. On est à la gare. On cherche le chemin sur un schéma municipal manifestement prévu pour des enfants de cinq ans.
Je crois qu'on doit aller là. Entre le sucre d'orge géant et le chien qui fait deux étages.
On repart.

33km
"Et maintenant, on est arrivés ?"

Oui, là, c'est bon. C'est ledit bunker de la protection civile où l'on fait halte.
Pose ton sac.
Laisse tes épaules s'envoler.

Absurde d'avoir mis le refuge ici
on n'a pas encore envie d'arrêter
mais une fois arrivés aux Diablerets, une voiture nous ramènera dormir ici.

Et on verra la route sur laquelle on a tant transpiré se faire avaler par ce monstre de petite ferraille en à peine une heure.…

37km
ET ON REPART
Sur cette route qui vomit le pédestre
Les moteurs vrombissant de dextre et de senestre
De nouveau la ligne droite jusqu'au soir
Nos pieds s'écartant en quête d'un trottoir

Et on marche à gauche
comme des anglais
A contre-courant.

J'ai mal aux pieds.
Les pauses se font de plus en plus proches.
Et les cloques s'invitent à la fête.

41km
La nuit tombe et les couleurs s'affadissent
Tandis que les jambes de l'arrière-garde faiblissent
Plus de disque solaire dans notre dos
il n'en reste qu'un dégradé orangé vers l'indigo

Devant nous la plate équerre d'un aérodrome
sa piste goudronnée fait suinter nos hématomes

Nos sens se brouillent
La terre est noire, le ciel aigri.
Et, au-dessus du ravitos, au loin
une auréole blanchit la campagne
comme un phare.


45km
RAVITAILLEMENT
Nous sommes sauvés par des pâtes chaudes aux légumes.
Sans sauce.
Et une barrique de thé de Noël
Car, oui, c'est Noël
Et rien que pour l'allégresse pleine de caféine de ce thé
Jésus naîtrait une deuxième fois cette nuit.

Nos retardataires qu'on semait sans cesse
abandonnent, par fatigue et par paresse
Adieu Grégory et l'invité. La voiture les ramène.

Les groupes qui sont partis après nous
Nous ont rattrapés et partagent sur les genoux
notre repas.
Et on repart. Sans eux.

52km
On approche de Gstaad
Le repaire des escapés fiscaux.
surplombé par un chateau en papier rapiecé
qui nous éclaire ainsi qu'une lanterne
Et je me demande où sont les drapeaux qui flottent vers Berne
Parmi ces panneaux allemands qui plombent les poteaux
de leur poids d'ours et de blasons, d’héraldique de plateau.

Je vous dis, il a vraiment l'air en papier, cette saloperie.
57km
On passe sous la forêt qui descend
On éteint les lampes. Le chemin, on le voit
est presque fluorescent

Dans le noir on marche vite

Alors que des bêtes invisibles s'écartent de nous avec des crépitements angoissants…
Dans le noir on marche plus vite

On passe un pont
j'ai mal au jambes
mes nerfs s'entrefouettent

60km
"On va suivre la rivière", dit la Sainte Carte
encore à contre-courant
déprimant

Le bruit de la rivière
fonce vers l'arrière
(inlassable effet Doppler)
Mais il nous semble entendre
quand l'oreille on daigne tendre
par dessous le bruit du torrent
coincées entre deux éclaboussures
comme des échardes de murmures
des hurlements

Des cris aigus de mourantes
cachés dans les houles bruyantes

…Alors on rallume les lampes.

Notre vision nocturne brûlée par les Maglite
comme avant par les yeux de flammes des camions

75km
Et on dort debout
mais ça ne fait rien
Nos pieds à force de protester prennent le contrôle du corps
après ce coup d'état, on titube comme des somnambules
automatiques

Dans les bois jouxtant ce Styx
Le sentier monte et descend avec une mauvaise foi évidente
Aurélien m'éclaire depuis l'arrière
ce qui projette
ma silhouette
Mon ombre géante danse dans les cîmes
des arbres devant nous, y creusant des abîmes

A la faveur d'un pont, on s'enfuit de la rivière
on se supportait plus son grondement d'enfer

78km
Dix mille pauses et un ravitos plus tard, on est sur la route de Gsteig
Et Sainte-Carte nous dit de traverser un champ
on ne l'écoute qu'à contre-courant, à contre-coeur
depuis qu'on a vu la courbe des hauteurs
Au Col du Pillon,
On y voit l'altitude augmenter
comme une crosse de hockey
aiguisée comme une faux
(heureusement qu'Hervé n'est pas là, ça le ferait tiquer)

81km
Arthur s'arrête tous les dix mètres
sa vessie a le hoquet
pour ne pas dormir je lui parle
de cryptographie quantique
et je lui résume le faucon malté

83km
La voiture-balai-ravitos nous dépasse en nous fauchant de ses phares
ils s'arrêtent sur le bas-côté
et nous sermonnent sur notre invisibilité
on s'excuse de ne pas briller dans le noir
et on repart.

85km
On arrive a Gsteig.
85km 100
On cherche la Poste
85km 200
Le dernier ravitaillement avant l'aiguisé Col du Pillon
85km 300
On le trouve. Et là j'ai peur.
Paradoxe : tant que je pouvais m'arrêter, j'ai continué.
Mais là, plus d'arrêt jusqu'aux Diablerets

Et mes pieds cessent de me cacher la vérité qui claquemure

Arthur abandonne

Je sens des échancrures de pus racler contre mes fémurs

Mathieu abandonne.

en lorgnant vers ce monstre d'altitude
qu'est le Col du Pillon.
Je crains les séquelles pour mes rotules malformées
Et j'abandonne.

Il ne reste qu'Aurélien, qui continuerait même s'il était tout seul.
Ce qui est le cas.
Mais Marine ne le laisse pas partir.
Il doit attendre dans le froid l'équipe suivante pour y piocher un coéquipier.

On monte dans la voiture-balai. On part.
ET LE MOTEUR REMBOBINE NOTRE PARCOURS
La maigre route éclairée
zigzague en sens inverse
Et l'auto, c'est l'enfer qu'elle traverse
même si le Styx a cessé de murmurer
Et le Charon qui nous ramène au vivants
conduit comme un sale, à contre-courant

Tant sa barque tangue sur ses quatre jantes
dans mon épouvante je vomis ma langue
Sur les âmes chantantes dans le flot ensanglanté
Tandis qu'on repasse le Styx rubicond

Sur l'autre rive
un dortoir miteux de la protection civile
J'entre et
Putréfaction et funérailles
Tous les marcheurs endormis avaient ôté leurs godasses.

Alors on dort.
Sans cesse réveillés par notre propre puanteur
qui nous crie dans le nez

AU MATIN
Je m'extrais du cloaque
me croisant, le Lucien facétieux
branche des hauts parleurs, pour réveiller les tardifs
à grands coups de trash métal bruyant et festif

SALLE A MANGER
Sur le sol
sous la lumière close des néons
dorment trois vainqueurs
après ce dur labeur
qu'était l'ascension
du Col du Pillon

Anthony (partouille Puma)
Stucki (patrouille Vautour)
Aurélien (patrouille Lynx)


Malgré notre vacarme lumineux et matinal, ils dorment les yeux tassés.

Et même si j'ai la démarche
d'un cow-boy sodomite
je récupère plus vite
qu'aurait cru mon patriarche

J'aurais du outrepasser le Col du Pillon
à contre-courant
des flots de la Pesanteur

Tant pis.
PVL sur la ligne d'arrivée
c'est déjà un beau trophée.