Pom po-pom pom pom…

En manque crucial de gars, la patrouille recrute.

lundi 13 décembre 2010

Noël de Patrouille, en bref.

Comme chacun sait, l'objet d'un Noël de Patrouille est, chez PVL, une tradition lourdement tenue au secret. Enfin, certains ne le savent pas. Quelques-uns. Et pour ne pas encourager ces rares brebis qui ne connaîtraient pas encore les arcanes de la Patrouille, nous resterons dans le vague afin que nul ne sache ce que nous aurons fait. Comprenez-nous, si tout le monde le savait, tout le monde rejoindrait la patrouille, et nous devons penser aux autres. Haha, penser aux autres. Pardon.
Bref.

*
*  *


Une ruelle sombre. Deux hommes à longs manteaux. A l'un des bouts de la nauséabonde impasse, des ordures, de l'autre côté, l'ouverture sur la rue animée et ensoleillée. Un des deux hommes porte un foulard vert liséré de gris à l'épaule. Non, il ne s'agit pas de celui des Eclaireurs de la Maison Verte, (tas d'usurpateurs !) mais bien du bon vieil étendard Perceval.

"– Vous avez la marchandise ?, dit le foulardé.
– Vous avez l'argent ?, répondit l'autre, aussi sec."

Pas de réponse. Ils restèrent face à face quelques instants, se jaugeant du regard, jusqu'à ce que chacun glisse lentement, posément, la main à sa poche, pour en extraire le contenu tout en gardant les yeux fixés sur les gestes de l'adversaire, cherchant à voir s'il ne sortait pas une arme.

"– Voilà l'argent, dis-je en brandissant un portefeuille en cuir avec tant de compartiments rétractables qu'on dirait un accordéon.
– Et voici la marchandise", dit-il en agitant d'une main une enveloppe et de l'autre un tas de petits… Bracelets ?
"– Combien ?
– Cinq cents vingt-quatre francs.
– Ca a encore augmenté !
– Tout comme vos effectifs, monsieur Vautour." (N. b. : En effet, le titre de "monsieur Vautour" est accordé aux sous-CPs, tandis que le CP porte, lui, le titre envié de "Messire Vautour".)

Il se fit à nouveau un silence.

"–Je… je ne suis pas obligé de payer ! Je pourrais m'adresser à quelqu'un d'autre !
– Ah oui ?"

Et il claqua des doigts. Ce claquement avait une intonation sinistre. Comprenez : normalement les sons n'ont pas vocation à exprimer une émotion, pourtant, le son d'un couteau sortant de son étui ou le chant d'une pince monseigneur qu'on triture sont autant d'indices de menace dans l'air. Ainsi était son claquement de doigts car, sur son signal, deux mastodontes qui se dissimulaient avec difficulté derrière un container émergèrent de l'obscurité pour se poster épaule contre épaule entre les deux murs souillés de la ruelle, bloquant la sortie, et la plongeant encore plus dans l'ombre. Ils croisèrent les bras, faisant craquer leurs costards sous la lourde mécanique qui gonflait leurs muscles contre le tissu.

"– Et à qui vous adresseriez-vous, Monsieur Vautour ? J'ai le monopole ! Oh, vous trouverez bien quelque contrefaçon à Renens ou Berne, mais, vous le savez, ce serait une entorse à la tradition. De tels manquement ne pourront que provoquer la colère de l'Esprit de la Patrouille, n'est-ce pas ? Car si vous commencez à oublier "cela" une année par mesure d'économie, que ferez vous l'année d'après ? Une bête séance piscine ? Une séance luge au Chalet-à-Gobet ? Soyons sérieux. Je vous fais pour votre Noël une offre que vous ne pouvez pas refuser."


Il tendit le bras. Tremblant, je transvasai quelques liasses de billets étonnamment lourdes dans sa main.



L'Esprit de la Patrouille Vautour dit : 


Je… Je sens un trouble dans la Caisse de Patrouille… 



"– Bien. Nous partons, dit-il après avoir recompté l'argent. Attendez un peu avant de sortir, il ne faudrait pas que l'on nous voit ensemble si vous souhaitez que votre Noël reste secret."


Ouais, c'est ça, songeai-je, les poings serrés. C'est surtout pour pas que je te suive, saleté de gâteau.
Au moment de passer à la clarté du jour, il se retourna vivement.


"– Oh, j'allais oublier. Votre monnaie."


Et il jeta une poignée de pièces dans la crasse puante qui recouvrait le sol. Je mis longtemps à retrouver lesdites pièces, à l'exception d'une de cinquante centimes dont j'ai perdu l'espoir de la retrouver.



Épervier dit : 


Comment ? Cinquante centimes ? Bon sang, où est cette ruelle ? Je sors mon détecteur de métaux !


*
*  *

J'attendais la venue de mes ouailles sous un abribus, appréciant l'absence de l'Esprit des Séances Ratées. En effet, il est impossible de rater un Noël de Patrouille. D'ailleurs, mes gars ne voulaient pas rater ça. Eux qui, habituellement alourdissent ma facture téléphonique de par leurs excuses délirantes pour ne pas venir, telles que des matchs de Volley, leurs première communion, un attentat suicide à Kaboul ou l'anniversaire du cousin de leur prof d'allemand quand ils étaient en 3ème, bref, des salades.
Soudain, Jules arriva, avec de l'avance. Je le saluai et lui demandai si… Une minute. Je me relis.

JULES EST ARRIVÉ EN AVANCE.


"GLORIA ALLELUJA ! Jules est en avance ! WAAAAAAAAAAH !"

Je téléphonai au Vatican pour leur demander d'enregistrer pareil miracle (avec Duy qui a guéri miraculeusement de la gale, sûrement grâce à sa huitième communion) mais ils m'affirmèrent qu'ils étaient surbookés et bossaient déjà sur le cas d'une circulaire sans fautes d'orthographe (!), sur quoi je m'excusai avec respect de les déranger pour si peu, et je raccrochai sans autre.


Heureusement, Pierre était là pour nous ramener à la réalité en arrivant en retard et en affirmant qu'il s'était cassé le péroné (sic). Nous l'attendions avec inquiétude, nous demandant comment il affronterai les épreuves de la journée devant pareil handicap, et nous imaginant déjà comment il arriverait, titubant sur deux béquilles, mais il n'en fut rien, il arriva sur ses deux jambes et de son pas penaud de qui n'est pas concerné par les mêmes fuseaux horaires absurdes que le reste de l'humanité.


"– T'es pas sensé t'être fracturé le péroné ?
– Bah ouais regarde, j'ai trop mal."


Et en disant cela il tendit son bras gauche. Son BRAS gauche. Et sans plâtre.




"– Docteur Pierre, nous devons opérer ce patient du péroné, c'est bien cela ?
– En effet, infirmière.
– Mais pourtant vous lui ouvrez le bras !
– Je vous emmerde ! J'ai fait dix ans d'études de plus que vous, et vous serez toujours sous-payée par rapport à moi, vous ferez moins la fière quand j'aura mon chalet à Verbier, donc vous la fermez ! Je sais TRES BIEN ce que je fais ! On lui opère le  PÉRONÉ ! POINT !"


Dans l'antiquité grecque, le terme περόνη (phon. "peroné") désignait effectivement le radius, mais plus récemment il désigna l'os fin qui côtoie le tibia, avant que ne lui fût donné le nom officiel de Fibula, encore de mise de nos jours. Seulement les footballeurs ayant l'esprit lent, ils parleront encore de fracture du péroné dans cinq cents ans. Donc Pierre, reprends espoir,  tu n'es pas nul en anatomie, tu as juste deux mille ans de retard niveau vocabulaire. Mais pour le badge secourisme c'est pas encore ça.









Aristote dit : 
Mais il m'a pourtant l'air bien renseigné ! Aussi sûrement que le cerveau sert à réguler la température du corps, que le coeur est le siège des émotions, que la moelle épinière produit le sperme et que la femme a deux utérus, le péroné est dans le bras !


Bref. Deux mille ans d'erreurs médicales venaient de nous fulgurer dans les yeux, quand on prit le train (Ach, flûte, je vous ai dit qu'on avait pris le train, ça vous donne trop d'indices ! Ah, que je suis maladroit !) et qu'on put déguster notre goûter. Personnellement je m'étais confectionné un sandwich à base de généreuses doses de moutarde et de corned beef, le genre de trucs qui te rend aveugle à la troisième bouchée, quand ils ne te refilent pas la vache folle.

Puis on est arrivé à destination. Un lieu magique où coulent des rivières de lait, de miel ou de Rockstar.

La rivière de rockstar, avec Greenpeace, toujours à voir le mal partout.

Ici les nuages sont de barbapapa et on passe le temps en faisant la farandole avec nos amis les animaux sous un grand arc-en-ciel. On peut bousculer ses camarades dans le fleuve de miel, où ils se noieront sans doute, englués dans le liquide visqueux et sucré. Ou alors on peut uriner dans le fleuve de lait et regarder la tache jaune filer le long de la rivière, en faisant cailler le lait autour. Ou on peut plonger dans la rivière de Rockstar et dire adieu à un rythme cardiaque normal, etc. En plus comme les rivières sont en pente, on peut faire du ski nautique, et tout.

Seulement, une part de ce paradis, de ce monde magique qui remise Narnia au rang de destination du club med (Narnia, le monde chrétien à mourir), est réservée aux plus de seize ans. S'agirait-il d'un fleuve d'une boisson fermentée, me direz-vous ? Non pas. Il s'agit simplement de thermes où, semble-t-il, des naïades dénudées ou de gras apollons pouvaient choquer la sensibilité des plus jeunes. Seulement, grâce au fait que mes gars font très agés (toussotement gras) et à un deal dans une ruelle sombre, les cerbères nous laissèrent passer.
Ce fut chouette.

*
*  *

Ensuite, retour à Lausanne où nous dormîmes dans un bunker  une cantine scolaire éclairée par la lumière romantique et chaleureuse des néons. Trop de lumière, malheureusement, elles s'allumaient par des détecteurs de mouvement, aussi, avec Jules l'Hyperactif dans la pièce, elles ne s'éteignaient pas. Après une soirée riche en gluten, en vitamines et, vu le niveau des blagues, en monoxyde de carbone, nous tentâmes d'aller au lit, mais malgré les menaces, les cris et les vols planés de chaussures dans ta face (Jules, tu peux pas te taire deux secondes ?) rien n'y fit, et nous eûmes à attendre l'idée géniale de Jules :

"On a qu'à scotcher un truc devant."

Sur quoi il se mit dynamiquement à rester couché sans rien faire. Bon, j'ai compris, c'est à moi de voler le rouleau de scotch rester médical de Pierre (pour son péroné, vous comprenez) et de prendre des lambeaux de 20 minutes (berk, en temps normal, je touche pas à ce genre de trucs) pour occulter l'oeil du diable qui rallumait la lumière à la moindre de nos palpitations. Enfin, nous pûmes dormir, et le lendemain, effrayés d'avoir passé 24h heures entières en si mauvaises compagnie, chacun se dépêcha de s'enfuir.

jeudi 9 décembre 2010

PERCEVAL !


Un fan-art à pour notre modèle à tous, le sieur Perceval, qui, comme chacun sait, n'est pas du tout l'épée pourrie d'un joueur de cor français qui meurt comme une grosse bouse, ça rime, mais ça n'a rien à voir.

Nouvelle Bannière pour le blog !

Te'tcheu, comme elle claque cette bannière. Pas comme le néoimpressonisme moche, style finlandais, de la bannière DRL. Voir ci-dessous.




Berk.

Un commentaire est-il réellement utile ?

 Voilà ce qui va arriver à vos yeux si vous regardez
la bannière du blog Guepard trop longtemps.

lundi 6 décembre 2010

Blog Vautour, refusez les imitations.

T'as pas l'air con en tout cas. Saviez-vous que le nom latin de ce machin, c'était Acinonyx jubatus ?
Pas étonnant qu'il court, il doit se faire tabasser à chaque récré dans la savane, avec un nom pareil.


Chers lecteurs, je vous réclame toute votre attention.
Il se peut que vous ayez remarqué qu'actuellement sur la toile, un blog autre que le mien faisait état de quelques pensées mixées d'humour désopilant et sophistiqué, tout en n'égalant pas le haut verbe qui fait notre réputation jusqu'aux deux coins du Léman.
En effet, c'est drôle, puissamment ironique, d'un style agréable, l'adresse se termine par .blogspot.com, on y trouve des boîtes de dialogue comme celles que j'aime à insérer, mais ce n'est pas le blog Vautour. C'est…


Oui, étant donné que le site de la Brigade est moribond, que le blog Puma est mort, que Husky a perdu le mot de passe du forum Lynx, je me permets de faire de la pub à ce noble confrère qui tentera vainement d'égaler la prestance de ces lieux. (Et je le mets en lien dans la colonne de droite -> )

Espérons que cela dure, et perdure.
Mais espérons également que jamais, au grand jamais, nos lignes online ne supplanteront l'odeur sépulcrale de papier d'une Cloque qu'on déplie pour la première fois, ainsi qu'un antique parchemin.

Bonne (autre) lecture.

dimanche 28 novembre 2010

Séance Héphaïstos !





Un homme assis devant une table. Il écrit. Lentement, posément, sans labourer le quadrillage du papier, son stylo suit le cours de ses souvenirs. Seule lumière dans la pièce enténébrée sentant le saumon fumé, la lampe de bureau qui, incidemment, éclairait le visage de l'écrivain par en-dessous. Il soupira, posa son stylo, se prit le visage dans les mains et s'appliqua à se souvenir la première fois qu'il était apparu. Cela avait commencé il y a quelques mois… Tout paraissait plus simple, alors… Mais lisons plutôt son récit :


*

* *

15 octobre

L'idée stupide avait germé dans mon cervelet rempli de médiéval, de chevaliers, de batailles grandioses où le fer fait craquer les os. L'inconscient collectif Perceval me dictait cela : Forger une épée. En plus, avec le thème "Grèce antique", on pourra appeler ça une séance Héphaistos. Que je suis génial, dîtes donc.

Ca paraissait facile, hein. Comme la caisse à savon. On fait un feu, on fout du fer dessus, on a une enclume, des pinces pour saisir le fer. On le mets sur l'enclume et on TAPE DESSUS. TAPER. GATÔ. Fatal easy.


Tout semblait si simple, alors…


L'enclume fut trouvée, mettons, sur la voie publique, de façon très légale. Une dalle de fonte monstrueusement lourde, que j'ai transporté dans mon sac de camp en tenant le fond dudit sac de peur qu'il craque. Pareil pour le fer à béton. Pour le feu, du charbon de bois. Le local matos nous pourvoira en tenailles, marteaux, etc. On ne s'inquiétait pas. Durandal s'invitait à la séance, tant mieux. On a besoin de gros bras. Tout allait pour le mieux.


*

* *


…Mais très vite, l'imbroglio se révéla inextricable.


2 novembre

Pour commencer, il nous fallait un moyen d'attiser le feu. La plupart des gros barbus du dimanche férus de metallurgie se contentaient d'un sèche-cheveux, mais à moins de disposer d'une rallonge de six kilomètres, cette solution allait se révéler peu pratique en pleine forêt de Sauvabelin. Nous pensions nous contenter d'un soufflet.


Je griffonnais la liste des ingrédients de cette délicate alchimie. Mon stylo faisait un bruit bizarre. Je dévisse le capot et, soudain, sans que je puisse vous décrire la scène tant elle a mis à mal les conceptions que je me faisais des lois de la physique, un esprit gigantesque sortit du stylo, comme le génie d'Aladin. Il ressemblait à l'esprit de la Patrouille Vautour, mais était plus gros, plus imposant, plus musclé, il semblait plus… Universel que la patrouille.


"– Tu ne me reconnais pas, Lays ? Je suis l'esprit des Séances Ratées.

– Oh, bon sang, ça fait longtemps qu'on vous avait plus vu !

– Ouais, ces derniers temps j'ai beaucoup traîné avec Durandal."


Durant la construction de la Caisse à Savon, j'ai souvent senti sa présence roder alentours, mais la séance fut sauvée par le freeboard de Mouette et beaucoup de bonne volonté matinale. Ca faisait longtemps en effet.


"– Vous me donnez d'ailleurs beaucoup de travail, reprit le spectre, La caisse à savon, et là… Votre séance forge ? Regarde ça."


Il jeta un journal ouvert à la page météo sur mon bureau. Fait étrange, il était daté du 26 novembre, la veille de la séance. On n'était alors que le 30 octobre.


"– Bon sang, vous avez un journal du futur ! Vite, la page du loto !"


Mais l'esprit plaqua contre le bureau la main que je tendais vers le journal.


"– Regarde plutôt la météo, c'est ce hasard-là qui nous concerne actuellement."


Neige, neige, neige. La météo prévoyait des hectolitres de neige. La vision apocalyptique d'un Sauvabelin sibérien enseveli par la glaciation blanche me submergea. Comment on fera si y'a des mammouths, d'abord ?


"– On le fera quand même, on aura un abri de carrés, dis-je, les lèvres presque tremblantes. Et je prendrai ma tente pour mettre les affaires dedans.

– Bon. L'un de vous a-t-il des compétence en Forge ?

– Euh, non.

– Vous allez allumer un feu dans trente centimètre de neige ?

– Euh, oui.

– Et essayer de forger une barre épaisse comme pas permis ?

– Euh, oui.

– Avec un feu qui aurait du mal à faire bouillir de l'eau ?

– Euh, oui.

– Sous des chutes de neige, sous un abri merdique ?

– Ben, oui, logiquement."


L'esprit sortit un appareil photo.

"Je peux prendre une photo de moi avec toi ? parce que quand je le raconterai aux copains, ils me croiront jamais."


Encourageant.




La neige est effectivement tombée. L'étoffe glacée qui habillait désormais les toits lausannois ne fit qu'amplifier nos inquiétudes. S'il tombait dix centimètres à Lausanne, Sauvabelin, c'était un glacier.


22 novembre

Arriva la semaine fatidique. L'esprit profitait du moindre recoin pour venir tourmenter mon esprit. J'avalai une gorgée de thé en lisant du Dostoïevski, que je recrachai immédiatement (le thé, hein, pas le Dostoïevski) parce que ledit spectre se cachait précisément dans ma tasse.


"– Qu'est-ce que vous faîtes là, bon sang ?

– Je viens stimuler ton anxiété, avec mon pote, la caféine."

– C'est pas hygiénique !"


Haha. Un scout qui parle d'hygiène. Crédibilité ? Zéro. Ma remarque eut autant d'effet que Michael Youn parlant de physique quantique.


"– Annule ta séance, Lays. Fais une séance luge, ou piscine à la place.

– Non, on en a déjà fait mille. Ca plait aux gars, mais voilà, on en fera quand on aura plus d'idées.

– Hah ! Vous avez trop d'idées, c'est ça le souci alors ! Et tu crois que ça va plaire à tes gars de traverser un kilomètres de neige pour se retrouver dans un abri enfumé ou un glandu tape sur une barre chaude en faisant un bruit infernal ?

– Je…

– Est-ce que tu ne cherches pas à réaliser tes caprices, tourné vers le passé mythique de ta Patrouille, tentant de lui fabriquer des reliques à vénérer ?

– Euh… C'est pas…

– Comme pour les t-shirts ou les plaques Vautour, est-ce que tu ne ferais pas passer le collectif avant l'individuel ? Est-ce que tu n'oublierais pas que le scoutisme se base sur l'individu et non la masse ?"


Le ton du fantôme n'avait pas changé, mais il avait l'air de grandir à vue d'oeil. Dans les coins de la pièce, les ombres semblèrent ramper vers moi.


"– Non !

– Tu proposes à tes gars des activités d'artisans, mais depuis quand le matériel a-t-il été le point fort du scoutisme ?

– Je… Non, c'est vrai. Mais si j'y arrive, ce sera marrant.

– Tu penses réussir à forger une épée en cinq heures, sans formation ?

– Ben un forgeron, il mets pas beaucoup plus longtemps.

– La préparation est tout. "J'ai fait ce dessin en cinq minutes, mais j'ai mis soixante ans pour y arriver" – Renoir.

– …Z'êtes vachement cultivé pour une personnification anthromorphique du ratage de séance.

– Oui, je m'engraisse de tous vos échecs. Quand on est intelligent, on apprends de ses erreurs, mais quand on est sage on apprend des erreurs des autres. Tes amis vont beaucoup apprendre de tes erreurs. Tu pètes plus haut que ton cul. Il faut des années pour parvenir à forger ne serait-ce qu'une dague et tu sautes les étapes… TU SAUTES TOUJOURS TROP D'ÉTAPES !"


Sans que je m'en rende compte, il avait haussé le ton petit à petit jusqu'au hurlement. Paniqué, je l'ai écrasé sous le premier livre qui me tombait sous la main, comme s'il s'agissait d'un talisman. Oui, il était cinq fois plus grand que le bouquin, alors j'ai pas trop compris, mais bon, que voulez-vous. Le spectre s'est dissous sous la pression littéraire en un nuage de brume. Le livre claqua contre le plancher. Je vis le titre. C'était Un Chant de Noël de Charles Dickens.


Une voix sembla résonner en dessous du silence :


…Combattre son anxiété par la littérature… C'est le propre des hommes théoriques…



*

* *



24 novembre

Puis vint l'heure d'amener une enclume(ouille) et six briques(pour le four) à Sauvabelin, quelques jours avant la séance fatidique. En plus de nos gars, nos vertèbres vont nous en vouloir aussi. Pourquoi des briques, à part pour se faire mal, me direz-vous ? Eh bien, pour faire un four pardi.



Cette photo n'est pas de moi, elle ne fait qu'illustrer le concept souhaité. C'était pour cela qu'on avait charrié les briques en suant sang, eau et bile, jusqu'à un buisson aux alentours de la cantine de Sauvabelin, histoire de garder la chaleur. Tu parles.


Quand on voyait le temps, moi et l'auguste CP, on tremblait, on gémissait, on avait peur. Nos gars vont nous détester. En gros, dans notre tête ça faisait :


Onn'yarriverajamaisonn'yarriverajamaisqu'estcequinousaprisnomdebleuONN'YARRIVERAJAMAAAAIIIISSOnn'yarriverajamaisonn'yarriverajamaisqu'estcequinousaprisnomdebleuOnn'yarriverajamaisonn'yarriverajamaisqu'estcequinousaprisnomdebleuOnn'yarriverajamaisonn'yarriverajamaisqu'estcequinousaprisnomdebleuOnn'yarriverajamaisonn'yarriverajamaisqu'est-cequinousaprisnomdebleuOnn'yarriverajamaisonn'yarriverajamaisqu'est-cequinousaprisnomdebleuBouhouhou


Et puis, on débarque là-bas, et… BAM ! On se prend un gros coup de sérénité dans la tronche.




(Tu lances la vidéo, puis tu contemples les photos)


















En effet, la neige a un tel pouvoir d'apaisement sur l'esprit que Confucius, qui affirmait que tous les phénomènes météorologiques avaient une utilité, répondit, quand on lui demanda l'utilité de la neige : "La neige ? Elle sert à nous purifier"

C'est beau.


MAIS REVENONS À NOS MOUTONS PARCE QUE C'EST PAS DES DICTONS DE CHINOIS QUI VONT FAIRE AVANCER LE SCHMILLBLICK, BON SANG !


Pour quelques instants sourds à l'Esprit des Séances Ratées, nous nous sommes rendus compte que nous la connaissions, cette forêt, qu'on savait où planter l'abri, et se mettre pour ne pas trop gêner les promeneurs.



Une preuve de la présence Vautour à Sauvabelin.


Dans le bus on reprend espoir. Tout sera parfait même si… Tiens, mon natel sonne.


Mouette dit (par téléphone) :


Ouais, les copains, j'ai pris tout ce que vous m'avez demandé au local matos !


Euh, d'accord, mais dans ce cas, où sont la corde, le bidon de 25l et la casserole ?



Mouette dit (par téléphone) :


Flute ! Je savais que j'oubliais un truc ! Chuis vraiment désolé !


Non, en fait, t'en as oublié trois, mais c'est pas grave. On n'aura qu'à faire un abri sans corde, transporter de l'eau sans récipient et cuire du thé sans casserole. Je vois pas où est le problème. Merci Mouette.


"Manquerait plus que l'Esprit des Séances Ratées réapparaisse", dis-je, pour plaisanter, à mon auguste CP.

Le chauffeur du bus se retourna et dit avec une voix spectrale "Mais non, 'chuis là ! Hiark hiark !"


Et zut.





28 novembre

Dans la forêt de Sauvabelin de jeunes éclais gambadent sous la neige qui s'abattait, entre batailles de neige et fabrication de bonshommes, de neige également. Fait étrange, au lieu du noble château qui devrait figurer sur leur manche, on trouve un arbre. Brigade de Sauvabelin. Ca ne colle pas avec notre récit, me direz-vous, on s'en fout des tanches de Sauvabelin. Et pourtant…


"– Chef, chef, regarde, j'ai encore trouvé une empreinte !

– Oh, qu'est-ce donc, à ton avis ?

– Alors, d'après ce que je vois dans mon thilo… On dirait une empreinte de renard, mélangée, avec une d'aigle, une de lion et une d'ours des carpates. Et à deux mètres y'a l'air d'avoir des excréments de tigre, mais en cinquante fois plus volumineux !

– Oh, je crois que j'ai trouvé une correspondance, dit le chef"


Drôle d'empreinte, dîtes voir.


Il fouillait dans les pages supplémentaires du Thilo, celles en parchemin. Elles contiennent des arcanes secrètes du scoutisme, qui ne sont pas à mettre entre toutes les mains, telles que le noeud de Cthuluh ou la technique paralysante de Spock. Au chapitres des empreintes, le doigt du chef parcourut les schémas, avant de s'arrêter en tremblant sur une qui semblait correspondre.


"– Je… Mais… Ils n'ont plus le droit de venir ici depuis le traité d'Utrecht !, paniqua-t-il

– Chef, je croyais que ce traité régissait seulement la fin de le Guerre de Succession d'Espagne en 1713 ! (oui, la BS compte aussi des intellos)

– Nononon, ça s'occupait également de répartir les zones d'influence des brigades ! Cette empreinte, c'est celle… D'un gars de Montbenon !"


La panique secoua immédiatement la troupe d'éclais.


"Chef ! Je crois que je peux entendre ces barbares !", gémit un des plus petits.


Des bruits de marteaux et des jurons résonnèrent du fond de la forêt.


"Chef, vous croyez que si on leur jette le goûter, ils nous laisseront nous enfuir ?!"


Ainsi se retrouvèrent au milieu d'un chemin de neige une miche de pain et trois plaques de chocolat, juste derrière une foule d'empreintes de pas très pressés de s'enfuir. Seulement, nul n'en profita parce que la neige finit rapidement par les dissimuler aux regards.


Plus loin, sur le chemin, les coups de marteaux s'amplifiaient. En effet, on s'y était installé dès le matin, 10h, pour avoir le temps de monter l'abri. Mais comme les gars ne sont pas encore arrivés on peut en profiter pour laisser s'ébattre nos âmes d'enfants, et faire une petite bataille de boules de neige, nous aussi.


Hurk hurk, que je suis polisson, je vais lui lancer cette petite boule de neige. Hé, Lays ! Attrape ça !


HÉÉÉÉÉÉ ! POUCE ! Y'A POUCE !



Et que croyez-vous que virent mes éclais quand ils débarquèrent ?



…Au milieu d'une atmosphère incandescente, un titan, torse nu, fait luire ses puissants muscles en cognant avec maîtrise sur une barre de fer qui exsude une puissante lumière dorée. Ses accolytes pressent les soufflets au point de leur faire cracher des ouragans et que le fourneau fait fondre la neige à cinq mètres alentours. Le arpèges mélodieux des chocs répétés contre l'enclume viennent emplir la forêt autour, et c'est sur un char de feu, traîné par le soleil que vient…


Non. Clairement non.



"Eh, c'est quoi, ce machin ?"



"– Eh, regardez, ce serait pas eux, là-bas ?

– Nan, ça c'est un campement de gitans."



"Nan mais sérieux, je crois que c'est eux.

– Oh, galère."



Cafouillages en série. Pour commencer, Hermine devait aller se faire poser des lentilles à 11h, saleté de myope, Otarie partait pour 14h30 et Pierre avait eu un accident de bus (quelle vue palpitante il a, ce garnement). Privés de tant de moyens, nous dûmes accélérer la construction de l'abri sous une neige battante. Oui, je sais, on dit normalement 'une pluie battante', mais la violence du truc justifie l'expression.



"GITAN !"

Quand on eut cependant un abri approximatif, on se dépêcha d'allumer le charbon de bois emporté et de l'attiser par nos soufflets. Le but ? Forger une épée ? Non, ça nous était sorti de la tête. Le but c'était de survivre. Et donc de faire du thé.


"– On est venu pourquoi, déjà ?

– Euh, pour faire du thé, je crois, ou parce que le paysage était joli.

– Et tous ces marteaux, cette enclume, ces tenailles ?

– Euh, je sais plus."


C'est dans ce piteux état que nos gars nous ont trouvé. Avec du Tenacious D qui passait dans les enceintes. Autant dire encore plus misérable.


Je me suis donc retiré dans la petite tente qu'on avait prise pour protéger les affaires de rechange en prétextant vouloir changer de chaussettes. Une fois à l'intérieur, je me suis installé sur mes coudes et j'ai sorti un sac plastique de ma poche. J'en ai extrait un livre, à la couverture dégueulasse :


Physique – Aristote


J'avais en effet moult lectures en retard. J'ouvrai à la page où je m'étais arrêté de lire. J'en sortis mon marque page. Une minute, ce n'est pas mon marque page, c'est…


"– Hello !

– Rah, mais sortez de là, bon sang !

– Pas très confortable, ce livre. Très pédant, ce Aristote. Et répétitif. Dis-moi, c'est pas très scout, le mec qui lit sous la tente.

– Roh, ça va, hein.

– Tiens, t'as aussi le Gai Savoir de Nietzsche ? Tu sais ce que Nietzsche appelait les hommes théoriques ? Tu crois pas que ça te correspond assez ?

– Fiche le camp.

– Un gars qui emprunte le manuel du forgeron coutelier et qui se prend après pour Héphaïstos, en entraînant une patrouille et une troupe dans son délire. Bravo, joli score.

– C'est pas si terrible. On a du thé, on est à l'abri, le paysage est beau. D'ailleurs j'vais prendre deux-trois photos.

– Non, t'as oublié ton appareil.

– Argh, c'est vrai, en plus !

– Hé oui, tu t'encombres d'une dalle en fonte, de six briques, de dix carrés militaires, d'une tente, une corde, deux massettes, un marteau, une scie à métaux, une barre à mine, de cinq kilogs de charbon de bois, de deux soufflets et d'une casserole au milieu d'une magnifique forêt hivernale et tu OUBLIES TON APPAREIL PHOTO. Tu as vraiment un don pour gâcher pareil paysage."


Dehors un certain tumulte se faisait entendre.


"– Mais chef, on n'a qu'à forger la casserole, en plus elle est déjà sur le feu ! C'était Jules

– Ouais pas con, en plus y'a déjà les poignées pour l'épée !

– Et après la bataille on pourra se faire à manger dedans !

– Utile.

– Lol !

– Tu fais quoi, Pierre ?


– J'FAIS DU CARAMEL, CHEF, EN BRULANT DU SUCRE !"


Une odeur de sucre brûlé se répandait en effet dans l'air. L'Esprit des Séances Ratées se tourna vers moi.


"– Enthousiastes, tes gars, me dit-il. Ils ont l'air emballés par cette idée de faire une épée.

– On a un peu laissé tomber, en fait. Trop froid.

– Oh, tu n'as même pas le courage de tes délires, en fait, tu amènes tout ça ici, juste pour rester à côté en train de glander à boire du thé.

– Ouais mais bon c'est pas pire que les Lynx PVL.

– C'est quoi leur séance, déjà ?

– D'après Moret : "ON FAI DES BONNHOMES DE NEIGE ET APRES ON LES CATCHES !"

–Bon, je reconnais qu'eux aussi sont de gros clients, t'aurais pu tomber pire, j'avoue. Mais tu penses pas que…"


Mais j'étais déjà sorti de la tente.


*

* *


Les Lynx étaient venus se moquer de nous nous rendre une petite visite amicale. A peine les ai-je vu arriver, les mains pleines de boules de neige, que je ne me suis pas méfié du tout, nonnon je suis un heureux imbécile. Toujours est-il que le feu se mit à cracher moult vapeurs et fumées, au milieu des crasses de sucre que Pierre s'était amusé à confectioner. LA fumée devint si insupportable que bientôt on se trouva dans la situation grotesque d'une troupe d'éclais discutant en dehors de l'abri, sous la neige, avec juste un clodo sous l'abri, comme un shaman sous une tente de fumigation.

Non pas que la fierté m'empêchât de quitter mon navire. Surtout que Hermine et Otarie sont déjà partis ainsi que tous mes gars(donc Jules, Iskander et Pierre), il n'est plus question ici de fierté. Mais mes chaussures étaient trempes et mes chaussettes séchaient auprès du feu. Pieds nus, j'allais pas aller très loin.


"– Non, mais tu sais, si je m'acharne un peu, c'est que j'ai pas envie que tu engendre une génération de chefs blasés.


– Mais tu vas me lâcher, oui !

– Tu pleures ?

– C'est la fumée.

– Mais faut pas te mettre dans des états pareils, c'est qu'une séance. T'en as déjà raté des tas.

– C'est la fumée, je te dis."


*

* *


De nouveau, la pièce sombre et qui sentait la fumée. Pas compliqué à expliquer, vu le pack de carrés enfumés qui moisissait dans un coin. De nouveau le bureau et l'obscurité. Et accoudé, le sCP Vautour. Il finit d'écrire et posa son stylo. La tente aussi il aurait dû la mettre à sécher, mais la flemme.


"– Trop Mélancolique, la fin. Beaucoup trop mélancolique, on dirait une fin de saison de Scrubs, après tout plein de gags on sort les violons et le piano pour te faire chialer. Pas terrible.", dit l'Esprit des Séances Ratées, de quelque part dans la pièce.


Bien décidé à le débusquer avant qu'il ne me surprenne à nouveau, j'ai renversé ma chaise et commencé à retourné les papiers de mon bureau.

"Pas ici.", dit-il de quelque part derrière moi la pièce. Le lit ? Sans succès. "Indice : plus humide." J'ai ouvert le pack de carrés les ai étendus, et me suis mis à farfouiller pour enfin le débusquer au milieu.


"– Qu'est-ce que vous foutez encore là ? J'ai foiré ma séance, soit, mais elle est finie.

– Oui, mais il faut que je mette la dernière touche à mon sermon : ta dernière tendance, celle de sublimer tes séances nulles par des articles sur ton blog. "L'art est le fruit de la défaite", comme disait l'autre.

– Bon, bon, j'éviterai à l'avenir. Et c'est tout ?

– Non, il fallait aussi que je vienne te filer une raison d'étendre les carrés, sans quoi ils auraient encore plus moisi."


Il disparut. En regardant alentours, je constatai qu'il disait vrai : Les carrés étaient bien étendus et commençaient à évaporer.

Bien joué.