7ème jour
Week-end de patrouille de troupe. Sans la Haute Troupe (j'ignore si ça se dit) qu'on a malgré tout croisée à l'occasion de nos emplettes.
Bien sûr, après une semaine, on sait qu'il existe une civilisation supposément occupée, en dehors du camp, à toutes sortes d'activités autres que se taper dessus à coups de masses en mousse(Ah merde caca j'ai oublié d'en parler, des arènes de masses en mousse argh !), mais ça fait toujours un choc de voir des blocs de métal – Oooh ! – rouler sur des rails par une sorte de magie – Waaah ! – et de revenir à la surconsommation capitaliste au confort du monde moderne.
Mais on ne peut vivre en marge de la société impunément : les gens le remarquent. Même le conducteur du train semblait vouloir nous notifier notre décrépitude :
Nous aboutîmes à Charmey, village splendide où nous avons acheté un chalet, pour dormir dedans.
C'te blague.
Notre première préoccupation fut de… Ben, manger. Mais disons, notre deuxième fut de trouver un logement, justement. Après une dizaine de visites à l'office du tourisme et une grande quantité de salive versée devant le décolleté de sa mère la pute alléchant de la préposée au guichet (Laissez des prépubères macérer une semaine entre eux sans présence féminine et au moindre bout de nichon, on risque l'émeute) Nous en trouvâmes un.
"Bon les gars, le campement est tellement miteux qu'on risque de nous prendre pour des roms et de nous rafler alors gardez vos foulards !"
Oui, les vestiaires de l'équipe de foot locale nous furent concédés par le gérant de la piscine avoisinante(ou nous fîmes une séance d'anthologies pleine de torticolis, de collisions et de bogossitude). C'était vraiment super sympa de sa part. Masta place à disposition dans lesdits vestiaires, ce qui provoqua un petit différent :
"– Chef, on a deux vestiaires de taille égale. Comme on est 14, on en mets sept de chaque côté, donc ça fait pile poil les vautours d'un côté et Lynx et Puma de l'autre.
– Nan, en fait on va faire chefs d'un côté et gars de l'autre.
– Mais ça fait 10 et 4, c'est complètement déséquilibré !
– Oui, mais c'est parce qu'on va tourner un film porno, histoire de renflouer les caisses de patrouille, donc pas le droit au moins de seize ans.
– Mais Thibault, il a moins de seize ans !
– Oui, lui, il tiendra la caméra."
Non, en fait, c'est juste parce qu'on veut de la place. Quand on est entassés dans les tentes, imbriqués les uns dans les autres, on ne peut se retourner sans meurtrir son voisin, c'est pourquoi nos corps libérés de cette pression purent s'étendre et dériver à travers les vestiaires (je me suis personnellement réveillé à la perpendiculaire de mon matelas).
Une fois ce partage équitable de l'espace effectué (j'entends des grommellements dans le fond), j'ai été me balader vers le bosquet qu'une route séparait de notre logement provisoire. Ce talus couvert d'arbres avait été le théâtre d'uncertain tumulte. Les branches détrempées, pourries, ou simplement difficiles d'accès (un talus raide plongeant après les deux premiers mètres de végétation) avait été décrié par les badges feu alors qu'ils effectuaient leur morne collecte de combustible, néanmoins indispensable à la préparation d'un repas chaud. Loin de l'aura d'autorité de nos augustes CTs, nous dûmes recourir à milles ruses pour motiver nos gars, et les gars des autres.
Tout au long de la journée, un gris inégal avait zébré le ciel avec constance. Lorsque les nuages se disloquaient, ce n'était que pour laisser paraître de plus grosses et plus épaisses promesses de pluie. Le soir approchant, ils s'espaçaient et s'étendaient, filandreux entre les monts, laissant voir des pâturages mieux choyés par le soleil. Le soleil, justement, absent comme un père irresponsable, ne daigna se montrer que pour tirer une révérence embrasée. La colline de larges hautes herbes, parsemées de fleurs blanches, tranchait sur l'horizon comme une falaise. De l'autre côté, le rayonnement de quelque incendie de forêt découpait comme au chalumeau l'arbre solitaire qui surplombait le monticule.
Tandis que j'escalade les derniers mètres, mon souffle raccourcit.
Puis le souffle manque. C'est juste malade. Quand on voit ce genre de trucs on comprend pourquoi le seigneur des anneaux a failli être tourné en suisse. 'Manquait plus qu'une charge d'orcs et un peu de musique épique pour vous faire croire à une apocalypse imminente.
Alors que je contemplais ça, bouche bée, je me rendit compte que j'étais au pluriel : Thibault et quelques autres m'avaient rejoint. Thibault dit : "Wah… C'est beau."
Il aurait pu laisser un silence pensif afin que chacun de nous infuse de la vision flamboyante mais il ajouta :
"Bon. Je vais chier."
Il n'est pas CP Puma pour rien.
*
* *
Une fois que j'ai vu ça, j'ai dévalé la pente, décidé à ramener mes gars pour leur faire partager ça de gré ou de force, sans plus tenir compte des litres d'eau qui s'accumulaient dans mes godasses. Une fois parvenu à la piscine, je les trouvai accolé à la vitre, en train de mirer les formes luisantes des nageuses à l'intérieur. Hé les mecs, venez, y'a un coucher de soleil de malade on dirait un feu de forêt ! OUAIS MAIS PUTAIN QUOI LES BONNASSES ELLES ONT DES NICHONS. Oui mais bon, des nichons t'en a plein ton disque dur, alors ramène tes miches. OUAIS MAIS ATTENDS JVAIS FAIRE LA COURTE ECHELLE POUR QU'ON AILLE MATER DANS LES VESTIAIRES ! Bon, un dernier truc à dire pour ta défense ? BOOOBS ! Ok.
C'est pourquoi une seule moitié de la dream team Vautour est présente sur cette photo. La meilleur moitié j'entends :
Petite séance photo de groupe...
Encore quelques unes pour la route :
Et finalement la meilleure : L'HISTOIRE DE LA VIE !
Puis c'est le réveil, le soleil chauffe votre visage, les oiseaux chantent dehors, histoire de faire comprendre qu'ils se sont levés à cinq heures du mat' et n'en souffrent pas. Eux, au moins, pour se lever, n'ont pas besoin de la sonnerie de natel de Thibault qui…
Ah ben, en fait, non.
Y'a pas eu de sonnerie.
Sursaut général.
"– Putain Thibault c'est quelle heure ?
– Eurghhwmmnnggn… Neuveurékar.
– Oh, myxomatose et glycérine."
J'allais m'interroger sur la provenance de ce juron quand, soudain, la porte s'ouvrit à la volée.
"– Chef, chef ! Vous aviez dit qu'on devait se lever à huit heures et là il est neuf heures et quart, on fait quoi ?, gémirent dix voix angoissées.
Je sais plus ce qu'on a répondu, mais je crois qu'on a juste soupiré.
*
* *
Ah, la civilisation. Quand on est une bande de bogoss du 1006 comme la patrouille Vautour, il est déplaisant d'avoir à se contempler dans la lame de son couteau suisse. C'est pourquoi, autant les pumas se soulagent de pouvoir poser une pêche sans avoir à accomplir un numéro d'équilibriste, pantalon sur les chevilles, autant, nous, Vautours, sommes heureux de pouvoir nous admirer dans un miroir. Tout un symbole, en somme.
On se moque de nos compères feminins quand elles s'adonnent aux débauches du shopping. Pourtant, il est des circonstances où l'on réagit exactement pareil. Des rangs de scouts s'extasiant autour des étals, s'arrachant des ustensiles, rêvant d'acheter tout ce qui leur tombe sous la main :
Le surplus militaire.
Des carrés militaires, un avion, des haches, des pelles, des pioches, des gourdes, des gobelets telescopiques, des faux gallons allemands, des casquettes d'officiers (Non, corneille, elles sont pas à l'envers, ces casquettes) un avion, des boilles de thé, des barils, des tentes des gamelles, des machettes grandes comme un fémur, des couteaux à faire pâlir vos testicules rien qu'à les regarder et un nom de bleu d'avion !
Épervier dit :
Bon, ça fait trois fois que tu le dis, alors, oui, on a compris, il y a un avion au milieu du magasin et ça semble avoir fait forte impression sur les esprits simples de certains sous-CPs.
Oui mais bon, un avion au milieu d'un magasin, c'est pas banal !
Épervier dit :
On aurait tout de même pu se faire l'économie de ces répétitions. Les kilo-octets, ça pousse pas sur les arbres. Et la bande passante, non plus.
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