Pom po-pom pom pom…

En manque crucial de gars, la patrouille recrute.

jeudi 21 avril 2011

Les Vieux Scouts



"Tiens, ces foulards…Ca… Ca me dit quelque chose..."

On en a souvent croisés, pendant une marche, un camp, une vente de pâtisseries ou une séance ; les mains croisées derrière un dos cassé par les années. Puis, en voyant nos emblèmes, leurs rides se crispent lorsqu'ils se rappellent les avoir arborés. Portant la main à leurs clavicules, à travers trois gilets de laine, ils sentent l'absence du foulard qui devrait correspondre à ces souvenirs ressuscités.
Ce sont les Vieux Scouts.

On en a vu des tas ! Par exemple, aux 100 kils 2010 : un ancien éclaireur des « belettes de Sainte-Croix », qui tenta d'évoquer le bon temps, alors qu'on était penché sur la carte. Comme tous, il finissait par s'éloigner, peut-être embarrassés de voir le scoutisme avoir tant changé. Ca doit en effet filer un sacré coup de vieux de voir un Durandal sous sa perfusion d'isostar quand on n'avait soi-même pour toute hydratation qu'une gourde de deux kilogs qui donnait un goût de fer rouillé à tout ce qu'on mettait dedans. Ou alors celui-ci, ancien Montbenonsard ; quand on lui demanda sa troupe, sa patrouille, il répondit « Ohf, j'm'en souviens plus, mais ce qui est sûr c'est qu'on faisait tout le temps la guerre à Sauvabelin ! Bonne journée ! » Ca, même Alzheimer ne peut pas le supprimer !

Ou mieux. Vente de pâtisseries. Dimanche. Pluie. Mauvais calcul. Le ciel se reflète dans les flaques, essayant vainement d'améliorer l'aspect des rues mortes. « Monsieur, vous voulez une p'tite pâtisserie ? ». Le vieil homme s'arrête à moitié, le regard tendu comme une corde vers le blason de la brigade. Il vient. Il veut bien filer quelque chose « puisque c’est Montbenon » et demande si c’est bien le foulard PVL.
« – Euh oui, monsieur. Vous y étiez, à Perceval, d'ailleurs ?
– Ah ben oui ! J'ai même été CT Perceval, y'a… cinquante-deux ans ! C'était sympa, à l'époque, y'avait Durandal et Bayard, et tout… »
Nos sourcils humides se haussèrent violemment.
« – Et… Vous vous souvenez de votre totem ?
– Ah, c'était… Ourson ! »*

Quand son aura de CT se fût évaporée au loin avec sa veste Hajk, il nous restait dans la main quelques francs, preuve que nous avions vendu du cake à Ourson, CT en 1959. Comme disait Ourson – l’actuel, pas l’ancestral – “Tous les vieux ont été scouts”. Et par une sorte de fatalité, tous les scouts finront vieux. Petit à petit, les titres de CP et CT perdront de leur éclat, à côté des autres qu’on vous donnera, tels que « docteur en droit » ou « responsable qualité ». Petit à petit, vous oubliez votre patrouille – ouch ! – voire votre  troupe – hérésie !** Mais on jour viendra, on le sait, où nos yeux usé tomberont sur un foulard qui ravivera nos souvenirs de quand on avait l’âge de nos petits-enfants. J’éspère que quand ce sera mon tour de me balader, le dos courbé, les mains croisées, devant les stands de pâtisseries, je m’en souviendrai avec autant de chaleur.

Et peut-être mon côté Vautour se sera-t-il suffisamment attenué pour que je me laisse aller à leur acheter quelque chose. Mais bon, faut pas rêver, non plus.
Merlin

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*Pour comprendre le cosmique de cet Instant Karma, il faut savoir qu’Ourson est l’actuel CT PVL. Parmi d’autres incidents surnaturels, un rapace sorti de nulle part, fondit sur un pigeon en plein Saint-Laurent. Sacrées coïncidences, dîtes donc. Mais bon, superstitions que tout cela. **Mais comme dit plus haut, on se souvient de l’essentiel: « taper Sauvabelin. »

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